Une planification intégrée
Au Luxembourg, quelque deux cents entreprises planchent déjà sur les éco-technologies et le développement durable. La création d’éco-quartiers comme celui de Dudelange permettra de leur ouvrir de nouvelles perspectives de développement. Interview de Christian Rech, président du cluster EcoInnovation.
Lancé en février 2009 par Luxinnovation, le cluster EcoInnovation est une mesure concrète qui découle du Plan d’action en faveur des éco-technologies présenté par le ministère de l’Economie et du Commerce extérieur en janvier 2009. Sa mission est de stimuler l’offre et la demande en termes d’éco-technologies et de développement durable par le biais d’actions de sensibilisation et de promotion, mais aussi par le développement de projets pilote.
La condition sous laquelle vous avez accepté la présidence du cluster EcoInnovation est qu’il se concentre sur un projet fédérateur qui ouvrirait des opportunités économiques dans le domaine des éco-technologies aux entreprises le composant. C’est chose faite avec le projet Néi Schmelz…
La législation européenne nous imposera de ne construire que des bâtiments à énergie nulle ou positive, et ce dès 2020. Si nous voulons relever les défis environnementaux de demain, il faut aller plus loin et réfléchir à l’échelle de la ville ou du quartier.
Les friches de Dudelange ont une forte valeur symbolique selon moi, parce qu’elles font partie du patrimoine historique du Luxembourg et parce que leur urbanisation permettra de relier deux quartiers existants qui étaient, jusqu’à présent, séparés. De plus, elles sont directement raccordées au centre-ville, ce qui est une configuration idéale pour y créer un quartier durable.
En tant qu’organisation qui regroupe des entrepreneurs mais aussi un certain nombre d’institutions comme les CRP Tudor et Lippmann ou l’université, nous avons dû convaincre les maîtres d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre que nous pouvions aller au-delà de ce qui était initialement prévu.
Là où réside l’innovation dans la démarche du cluster, ce n’est pas tant dans l’acquisition de compétences dans le domaine des nouvelles technologies et de la construction durable, que dans le fait de créer un partenariat public/privé. Nos entreprises mettent leurs compétences à la disposition des maîtres d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre, de manière à les développer et à pouvoir, ensuite, les vendre. Autre objectif pour les entreprises participantes: être à même d’exporter les compétences acquises. Au Luxembourg, nous avons le grand avantage d’être à la confluence des pays germanophones qui sont très avancés en la matière et des pays francophones qui sont fortement demandeurs, et nous parlons français et allemand. Cet avantage, il faut vraiment que nous l’exploitions.
L’intérêt de ce partenariat pour le maître d’ouvrage est d’avoir une équipe pluridisciplinaire à ses côtés. Au lieu de planifier le quartier de façon verticale, étape par étape, nous le faisons de manière intégrée.
Néi Schmelz sera donc plus qu’un quartier mixte et multifonctionnel, composé de bâtiments écologiques. Qu’est-ce qui en fait un quartier vraiment durable?
Un quartier durable doit donner aux habitants la possibilité de développer un mode de vie durable. Nous nous intéressons ici moins -même si c’est un point important- à la morphologie du quartier, c’est-à-dire, entre autres, à sa structuration ou à l’agencement des zones vertes, qu’à son métabolisme, c’est-à-dire à la façon dont il est innervé. Il faut imaginer qu’un quartier est comme un organisme vivant, avec ses flux entrant et sortant: l’énergie, l’eau, les déchets, par exemple. Les choix que nous faisons en termes d’urbanisme sont valables pour les cinquante prochaines années. Or, la situation environnementale actuelle ne nous permet pas d’attendre aussi longtemps. C’est pourquoi il faut intervenir tout de suite et de manière efficace en agissant sur le métabolisme du quartier.
Le but, à terme, est-il d’en faire un quartier autonome du point de vue énergétique?
Oui, et même d’aller plus loin! Ce quartier, qui était jusqu’à présent une enclave fermée séparant deux quartiers, doit s’intégrer dans la ville et non pas devenir une réserve pour ‘bobos écologistes’. Notre approche serait d’y intégrer toutes les possibilités technologiques pour produire suffisamment d’énergie, non seulement pour le quartier Néi Schmelz lui-même, mais aussi pour les quartiers environnants.
Ce projet pilote sera présenté lors de l’exposition universelle de Shangaï. Qui souhaitez-vous toucher ainsi?
L’objectif est prioritairement de le faire connaître au Luxembourg. C’est, d’une part, l’occasion de donner un fil rouge aux entreprises, en grande partie membres du cluster, présentes à la journée consacrée aux éco-technologies, un fil rouge qui colle parfaitement au thème de l’exposition universelle: ‘Better City, Better Life’. D’autre part, et c’est ce qui m’intéresse en tant que président du cluster, cela permet de donner une certaine visibilité au projet. Pour développer un quartier, encore faut-il convaincre des investisseurs de la pertinence et de la cohérence de la démarche. Dudelange a des attraits à faire valoir: c’est une ville dynamique qui aspire à se développer, notamment au niveau culturel et qui est directement raccordée aux réseaux autoroutier et ferroviaire. Sur ce site, il est possible d’adopter un mode de vie satisfaisant: écologique, durable, mais qui reste urbain et moderne.
N’est-il pas paradoxal de construire un éco-quartier sur un ancien site industriel ?
Nous pourrions aussi choisir de laisser ce site en l’état. Cela ne nous avancerait à rien et le foncier est beaucoup trop précieux pour se passer d’une telle enclave. Le fait d’être conscient que ce site est pollué nous permet d’adapter l’assainissement à l’utilisation qui sera faite du terrain.
MT