De multiples pistes de réflexion
A peine deux ans après le début de la crise financière et économique, les administrations publiques doivent faire face à un déséquilibre financier et budgétaire. Des investissements publics importants ont permis de pallier au ralentissement de l’économie. Aujourd’hui, les responsables politiques empruntent différents chemins qui devraient permettre de retrouver l’équilibre d’ici 2014.
Nous avons rencontré Patrick Wies et Yves Kemp, en charge des services de conseil – secteur public au sein de KPMG Luxembourg.
Monsieur Wies, Monsieur Kemp, comment jugez-vous la situation financière actuelle des organismes publics au Luxembourg ?
M. Wies / M. Kemp : A l’heure actuelle, une grande partie des administrations, soit centrales ou locales, s’inquiètent face à une situation qui a fondamentalement changé par rapport à il y a deux ans. Pour les collectivités, les recettes stagnent, voire diminuent, pendant que les investissements doivent être maintenus à un niveau élevé pour relancer l’économie et pour développer les infrastructures requises. Nous sommes convaincus que cette situation peut être remise en équilibre, mais il s’agira de prendre les bonnes décisions.
Le Gouvernement a décidé d’adapter la structure des impôts à partir du 1er janvier 2011. Est-ce que ceci est une étape nécessaire dans une telle situation, ou fallait-il plutôt réduire temporairement le niveau des investissements publics pour pallier au déficit budgétaire ?
Les investissements publics sont un des piliers les plus importants en temps de crise. L’approche volontariste du Gouvernement consistant à vouloir garder le niveau des investissements à un niveau élevé et de faire valoir une approche anticyclique trouvera par contre ses limites dans les prochains exercices budgétaires. Il s’agira de faire l’analyse du côté des dépenses. Par ailleurs, il faudra augmenter les recettes. Une telle solution a un effet impopulaire auprès des personnes concernées, donc auprès de la population luxembourgeoise.
A part une gestion plus contrôlée du budget, est-ce que vous pensez à d’autres moyens qui permettent aux autorités publics d’atteindre les objectifs financiers ?
Il y a toute une panoplie de financements alternatifs ; néanmoins il faut juger leurs effets et utilité à court et à long termes. Une piste intéressante, mais toujours peu instituée au Luxembourg, réside dans les PPP, «Public Private Partnerships» ou partenariats public-privé. L’approche PPP constitue une alternative pour financer de nouveaux projets d’infrastructure aussi bien pour l’Etat que pour les communes. Elle vise à minimiser le concept de «coût global étendu» tout en assurant que les attraits et la protection des infrastructures soient maintenus à long terme.
Dans ce même contexte s’inscrit la privatisation de services publics. Comme le montre l’exemple des réseaux électrique et du gaz de la Ville de Luxembourg, ces services peuvent être assurés par des entreprises privées. Aussi, l’externalisation de certains services spécialisés permettrait aux organismes publics de se concentrer sur leurs services de base. Ceci irait aussi dans la direction d’un besoin moins inquiétant en termes d’investissement pour le secteur public, et par conséquent un volume de financement disponible à d’autres fins.
Une autre source de financement pourrait constituer l’effet inverse, donc la prise de participation dans des entreprises privées. Difficile à réaliser au niveau des communes, ceci nécessite un investissement initial élevé mais permet de générer par la suite des revenus réguliers. L’Etat profite déjà de certaines participations-clé dans des entreprises du secteur financier et du secteur commercial au Luxembourg ce qui permet de bénéficier de revenus annuels sous forme de dividendes.
L’élément le plus accessible au niveau local en constitue le recours au cofinancement des institutions européennes pour des projets communaux ou intercommunaux. Les différents programmes et fonds structurels et régionaux qui sont proposées par l’UE et gérées par les administrations centrales au Luxembourg, permettent d’obtenir des subventions pour la réalisation de certains projets infrastructurels de grande envergure.
Nous voyons ici encore un grand potentiel à exploiter pour l’avenir.
Au niveau local, la fusion de communes est un sujet d’actualité. Quel impact aura une fusion sur les finances communales ?
Avec la fusion de deux ou de plusieurs communes limitrophes, la réalisation de grands projets d’infrastructure sera beaucoup plus facile. Alors qu’une subvention étatique de 2.500 euros par habitant de la nouvelle commune fusionnée ne constitue qu’un premier attrait, le vrai bénéfice d’une fusion sera de disposer d’un budget beaucoup plus élevé. Il est vrai que, dans ce cas, il faut gérer un territoire plus grand, soutenir beaucoup plus de ménages et d’associations, mais l’avantage s’établit clairement du côté des infrastructures communales. Au lieu d’investir dans plusieurs installations infrastructurelles, scolaires et sportives dans plusieurs villages de la commune, un endroit central permet un investissement et une gestion beaucoup plus efficaces. Partant de ce point, il faut savoir qu’à moyen et à long termes, les communes se feront concurrence entre elles pour une qualité de vie élevée et pour attirer des entreprises privées sur leur territoire afin de générer des revenus supplémentaires. Ceci montre que les grandes communes, donc celles qui envisagent une fusion à brève échéance, auront à long terme beaucoup moins de problèmes quant au financement de leur fonctionnement et de nouveaux investissements.
Comment jugez-vous le système de la sécurité sociale ?
Pour le moment, la sécurité sociale peut recourir à des réserves qui ont pu être constituées pendant les dernières années du boom du secteur financier au Luxembourg. Une vue à long terme, tout en respectant le changement démographique de la population, montre des déficits importants dans le financement du système actuel. La reforme du système de la sécurité sociale est un sujet délicat, et les partenaires sociaux doivent trouver des réponses adéquates aux questions qui se posent à l’heure actuelle.