Un raccourci intellectuel

L’ABBL, l’Association des Banques et Banquiers Luxembourgeois, qui se voit confier une kyrielle de missions différentes, a fort à faire pour défendre une place financière malmenée… même dans son propre pays selon l’aveu de son directeur général, Jean-Jacques Rommes.

Le rôle de l’ABBL, l’Association des Banques et Banquiers luxembourgeois, consiste à défendre et à promouvoir l’intérêt de ses membres. En quoi consiste plus précisément votre mission au quotidien ?

Nous nous penchons sur une grande panoplie de problèmes. Tout d’abord, nous prenons en charge tous les dossiers techniques, juridiques, fiscaux, réglementaires qui s’appliquent directement aux banques. Nous devons également défendre les intérêts luxembourgeois à Bruxelles tout comme collaborer avec les autorités locales afin de nous assurer de la bonne transposition des directives européennes. Nous collaborons également à l’élaboration d’une législation luxembourgeoise.
Nous avons aussi pour mission de défendre l’intérêt de nos membres en tant qu’employeurs. Nous avons une convention collective à négocier périodiquement, défendons les intérêts en matière de sécurité sociale.
Autre volet important, la communication. Il est indispensable de communiquer, que ce soit auprès du grand public luxembourgeois ou étranger, de nos membres et d’unifier le message de la place financière. Et puis nous sommes un des porteurs de Luxembourg for Finance (cf. notre interview de son directeur, Fernand Grulms, dans la présente édition) qui, en matière de communication, s’occupe plus spécifiquement de la promotion de la place financière luxembourgeoise en général, tout particulièrement à l’étranger.
La communication à l’ABBL s’oriente sur des aspects moins promotionnels, plus techniques et réglementaires.
Nos missions sont vraiment très vastes. Nous sommes également le fondateur et le porteur de l’Institut de formation bancaire (IFBL), très actifs dans la promotion de la ‘Luxembourg School for Finance’ (LSC), et collaborons étroitement avec l’ALFI (ndlr : Association of the Luxembourg Fund Industry), etc.

La place financière luxembourgeoise a été fortement décriée depuis l’arrivée de la crise qui a ravivé les tensions contre le monde financier alors que pour d’autres cela a renforcé sa crédibilité et son sérieux… Est-elle véritablement en danger ?

De façon générale, le monde de la finance a beaucoup souffert au niveau planétaire. D’abord parce qu’elle a dû encaisser des chocs financiers considérables, ensuite parce que sa réputation a sérieusement été entachée.
La place financière luxembourgeoise a été moins touchée car ses activités phares ne sont pas à grands risques. Aussi, sa renommée de place solide et sérieuse n’a pas autrement souffert contrairement à d’autres.
Par contre, il y a une tendance politique à l’étranger qui semble penser qu’il est de bon aloi d’accuser les prétendus paradis fiscaux d’avoir une part considérable de responsabilité dans cette crise, ce qui est totalement faux : nous ne sommes pas un paradis fiscal parce que nous avons un secret bancaire plus marqué que dans d’autres pays. Nous devons nous défaire de cette image faussée de la réalité.
Le monde politique s’est retrouvé après la crise financière dans un certain désarroi et désorientation : il n’a pas compris ce qu’il lui est arrivé et il lui a donc fallu des coupables, des postiches qui s’appellent boni bancaires, secret bancaire, etc.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de vrais problèmes, mais aucun des vrais problèmes n’a actuellement été résolu, au contraire même.

Au contraire, c’est-à-dire ?

Qu’aucune des réglementations qui pourraient être efficaces dans ce cadre là n’a encore été mise en place pour le moment. Je pense là à une bonne réglementation qui soit harmonisée car c’est la différence de réglementation qui créé beaucoup d’insécurité dans certains domaines.

Comment vivez-vous cela, et cette donne a-t-elle un impact sur votre travail de lobbying ? Comment y faites-vous face concrètement ?

Ce que je tiens avant tout à dire, c’est que nous exportons 90 pour cent de l’activité financière que nous générons. C’est à ce point important pour l’économie du pays qu’il est vraiment très malsain de voir au Luxembourg même des gens qui appellent publiquement à faire payer les banques pour la crise. Le Luxembourg n’est pas en crise à cause des banques mais malgré les banques.
Pour répondre à votre question, nous avons davantage investi dans la communication et devrons sans aucun doute encore monter d’un cran. Nous devons également être plus présents au plan national. Je note comme je vous le disais qu’il est de bon ton pour les politiciens luxembourgeois de médire la finance en la pointant du doigt dans cette crise par opposition à l’homme de la rue qui en serait la victime. C’est une vision totalement déformée de la réalité, un raccourci intellectuel.
PhR

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