Gérer la croissance de son entreprise : un défi

Aujourd'hui, qu'elle soit de taille modeste ou plus grande, l'entreprise doit faire face à la mondialisation. Pour s’adapter à cette nouvelle réalité économique, l'entrepreneur doit être capable d’anticiper rapidement les changements, c'est-à-dire, de moduler son style de gestion et sa stratégie en fonction des tendances du marché. La mise en place de ce management stratégique se révèle encore plus cruciale pour l'entreprise qui, après un départ réussi, connaît une période de croissance.

«Pour le dirigeant d’entreprise, une croissance mal appréhendée ou maîtrisée peut être vécue plus comme une menace que comme une réelle opportunité » rappelait Rachel Gaessler, en guise d’introduction au workshop qui s’est tenu le 08 juin à la Chambre de Commerce, dans le cadre du programme de mentorat BusinessMentoring. Pour l’occasion, deux entrepreneurs à succès sont venus partager leur expérience en matière de gestion de la croissance : M. Jacques Lanners, membre du directoire du groupe industriel Ceratizit S.A., élu Entrepreneur de l’année 2009 à Luxembourg et M. Laurent Sanders, administrateur de LS Lunch S.à.r.l., une société montante dans le secteur des produits « lunch » et services traiteur. Le troisième invité, M. Olivier Tran, économiste du cabinet BEAGE, a, quant à lui, apporté un éclairage théorique sur les cinq dimensions fondamentales de la croissance que sont la vision de l'entrepreneur, la mobilisation de l’équipe autour du projet d’entreprise, les leviers de la croissance, les freins au développement et les moyens à mettre en oeuvre pour maîtriser cette croissance. « Justement, pour mieux affronter les changements liés à la croissance, rien de mieux que de s’entourer d’un mentor, qui est passé par les mêmes étapes que son cadet moins expérimenté» confiait Rachel Gaessler au panel d’entrepreneurs présents dans la salle.
Une opportunité que Laurent Sanders, jeune entrepreneur dynamique de 41 ans, a su saisir : mentoré depuis septembre 2010, son entreprise connaît une croissance constante depuis 6 ans. Si le succès est aujourd’hui au rendez-vous, M. Sanders ne cache pas qu’il a dû beaucoup travailler pour en arriver là. « Suite à mes études de cuisiner-traiteur j’ai passé plusieurs années au sein d’une entreprise agro-alimentaire. À l’époque j’organisais notamment des réceptions et banquets au Grand-Duché. Devant la demande grandissante des clients, j’ai décidé de me lancer en affaires en 2005 » expliquait-il. Parti de rien, il transforme alors, avec le soutien de son épouse, le sous-sol de la maison familiale en cuisine professionnelle et débute son activité de traiteur à destination des entreprises et banquiers. Après une première année difficile, il décide de créer une activité annexe : la fabrication de sandwichs. « D’activité annexe, la fabrication de sandwichs est vite devenue notre source de revenu principale » confiait-il. A peine un an après son lancement, l’entreprise connaît déjà un premier pic de croissance, un phénomène que Laurent Sanders attribue à l’évolution des besoins des consommateurs: « les produits que nous proposons correspondent parfaitement aux besoins des professionnels, et particulièrement à ceux des frontaliers, qui aujourd’hui n’ont pas le temps de préparer leurs plats. Ils sont donc de grands consommateurs de produits finis. » Face à l’accroissement de l’activité, Laurent Sanders doit impérativement chercher un atelier de production plus spacieux. Il s’installe alors à Doncols, dans un atelier de 800 m². Avec son équipe, il crée, en parallèle, une filière de distributeurs automatiques de sandwichs, à placer dans les entreprises. Les activités explosent alors littéralement : « les choses se sont enchainées très vite, si bien qu’après 4 ans, l’atelier était devenu trop exigu et ne correspondait plus vraiment aux normes réglementaires en vigueur. Nous avons alors passé la vitesse supérieure en juin 2010, en nous installant dans la Z.I. de Riesenhaff à Koetschette. » Grâce à des travaux d’aménagement conséquents, son équipe, passée de 2 à 37 personnes en six ans, évolue aujourd’hui sur une surface de production ultra-moderne de 2000 m². Des efforts récompensés par l’obtention du label Made in Luxembourg fin 2010. Et Laurent Sanders d’ajouter : « notre stratégie de croissance est basée sur une innovation constante en matière de techniques de traçabilité et de développement de produits inédits. Notre avenir repose notamment sur la production de plats préparés à plus longue conservation, ce qui nous permettrait de pénétrer le marché de la grande distribution. »
Quant à M. Lanners, élu entrepreneur luxembourgeois de l’année 2009, il confiait être tombé très tôt dans la marmite de l’entrepreneuriat : « Mon père et mon grand-père étaient tous deux des entrepreneurs qui plaçaient leur entreprise au coeur de la vie familiale, si bien que la reprise du flambeau s’est un peu imposée à moi. » Il rejoint donc la société Cerametal en 1982, en tant qu’ingénieur dans un bureau d’étude. Il prend tout d’abord en charge le projet de création d’un site à Livange. A la tête de cet atelier, il le fait grandir, et, lorsqu’il revient au siège de la société à Mamer 7 ans plus tard, les effectifs sont passés de 3 à 35 personnes. « L’entreprise a connu un premier pic de croissance après la guerre, en 1931, et n’a plus jamais cessé de croître depuis. C’est notamment la rencontre avec un partenaire autrichien en 1948 qui a orienté les activités vers la production de pièces en tungsten. Cerametal a ensuite connu plusieurs pics de croissance successifs, respectivement en 1962, 1971 et 1978, autant de dates qui marquent l’internationalisation de l’entreprise. Sans oublier la fusion entre Cerametal et Plansee-Tizit et la naissance de CERATIZIT S.A. en 2002» expliquait-il.
Aujourd’hui à la tête d’un groupe employant plus de 5000 personnes à travers le monde, Jacques Lanners est fier de constater que l’entreprise n’a rien perdu de ses valeurs : « Lorsque nous avons démarré en 1982, nous réalisions un chiffre d’affaires annuel de 17 millions d’euros. Aujourd’hui, notre chiffre d’affaires mensuel est de 60 millions d’euros…et pourtant, notre culture d’entreprise est toujours la même : le respect de l’individu est au coeur de notre politique des ressources humaines. C’est pourquoi nous avons un turnover très faible. »
Décrivant le facteur humain comme prépondérant dans la croissance du groupe, Jacques Lanners reconnaît que l’innovation et la Recherche & Développement jouent également un rôle capital dans la stratégie de croissance globale : « à l’heure actuelle, nous consacrons 4 % de notre chiffre d’affaires à la recherche et développement et mobilisons plus d’une centaine de chercheurs. » Et d’ajouter «le pilotage de notre croissance a toujours été facilité par la rapidité de notre pouvoir décisionnel. Nous avons en prime parié sur une stratégie de niche et nous sommes imposés au fil des ans comme N°1, sur des segments de marché très lucratifs. »
Autant de success stories qui permettent de mesurer l’impact qu’ont la qualité des pratiques managériales et le savoir-être des décideurs sur le succès ou l’échec d’une entreprise. C’est en ce sens qu’Olivier Tran, économiste spécialisé dans le diagnostic de performance des PME en Grande Région, rappelait aux participants que « la croissance vient du mode de pensée et des actions qui en découlent ». Et d’ajouter « tout dirigeant doit travailler constamment à adapter ses pratiques managériales pour impulser de nouvelles manières de faire. » Il saluait à ce titre l’ouverture d’esprit de MM. Lanners et Sanders et incitait les dirigeants et managers présents à ne pas avoir peur des changements amenés par la croissance « l’entrepreneur en croissance est certes responsable économiquement, juridiquement et humainement vis à vis des acteurs internes et externes de son entreprise, mais il est aussi celui qui contribue à la résolution de problématiques très diversifiées, en y intégrant les aspects humains qu'elles comportent. »
Justement, l'éventail de compétences à mobiliser pour maîtriser la croissance est large et même les plus expérimentés peuvent se sentir déstabilisés et isolés face à des situations à forts enjeux. Ce fort enjeu -celui de la survie de l’entreprise- Jacques Lanners l’a connu en 2008 lors de la crise économique mondiale…et il ne cache pas que cette période a été dure à vivre: « lorsque votre CA connaît une baisse de 50% en l’espace de quelques mois, et que vous n’avez pas pu anticiper une telle perte, il y a de quoi être déstabilisé. » Et d’ajouter « Pourtant, nous avons su tirer profit de la crise en opérant des restructurations organisationnelles importantes, que les employés auraient moins bien acceptées en période de prospérité. D’ailleurs, les Chinois disent que dans chaque crise réside une opportunité : je suis assez partisan de cette théorie. »
Les participants l’auront noté, M. Lanners puise son inspiration dans les pays asiatiques, et notamment dans les techniques organisationnelles japonaises : « j’ai fait une partie de mes études au Japon. J’y ai également beaucoup échangé avec des chefs de production qui m’ont permis de voir les choses sous un angle nouveau » expliquait-il.
« L’échange de bonnes pratiques managériales : voilà donc un autre aspect important de l’apprentissage de tout entrepreneur, que le mentorat propose d’aborder plus en profondeur » commentait Rachel Gaessler, suite au témoignage de M. Lanners. En effet, en partant des besoins individuels de chacun, ce mode de développement des pratiques managériales permet de «challenger» certaines approches ou certitudes, de faire bouger certains modèles culturels et d'exploiter ainsi de nouvelles pistes d'amélioration, tout en gagnant un temps précieux. Un$e perception partagée par Laurent Sanders, qui est accompagné depuis 9 mois par un mentor du domaine de la distribution. « Ma relation avec mon mentor vaut de l’or : son expérience m’est d’une grande aide et m’apporte sagesse et réflexion face à des décisions importantes que, seul, je prendrai peut-être dans la précipitation» concluait-il.

 

Communiqué 09.06.11  – Workshop BusinessMentoring

Lire sur le même sujet: